39. ÉMISSION DE TÉLÉVISION
J’aurais dû prendre un peu de temps pour lire les romans de ce Gabriel Askolein.
Maintenant je suis coincé.
Robert est à côté de moi. J’ai envie de lui demander un résumé rapide de mon livre, ou en tout cas quelques formules qui pourraient m’éclairer sur ce que j’ai voulu dire.
J’ai l’impression d’être soumis à un examen mais cette fois je n’ai rien étudié du tout.
Pourquoi n’ai-je pas pris ne serait-ce qu’une heure pour visiter ma propre œuvre ? Au lieu de cela j’ai écrit, j’ai inventé un jeu et j’ai suivi une fille dans un temple.
Robert me demande :
Vous avez le trac ?
— Oui.
— Vous avez peur ?
— Oui.
Dire que j’ai mené des guerres, inventé des sciences, bâti des cités, et me voilà en train d’appréhender une interview télévisée.
L’animateur vient me saluer.
— Dites donc c’est le grand succès, hein ? Le démarrage de votre livre est foudroyant ! Bravo. Déjà dans les listes de best-sellers.
— Heu… oui…
Il essaie de m’engluer dans les compliments.
Je regarde Robert, je ne sais même pas quelle est la vie de mon livre.
— Tous ces articles méchants sur vous… ce ne sont que des jaloux. Comme par hasard les critiques qui vous insultent sont tous des écrivains ratés. « Se faire mal juger par les médiocres est une forme d’hommage », n’est-ce pas ? dit l’animateur.
— Bien sûr. Bien sûr, bafouillé-je en me demandant ce qu’on a bien pu raconter sur moi et mes livres.
— Mon fils adore ce que vous écrivez, m’assure l’animateur. Auparavant il ne lisait pas du tout. Il était récalcitrant face à l’objet livre. Et c’est vous qu’il a lu en premier. Vous lui avez ouvert l’esprit. Désormais, non seulement il lit mais en plus il se passionne pour l’histoire, la philosophie, la science.
— Et vous, ça vous a plu ?
— Je suis désolé mais, pour être franc, je n’ai pas eu le temps de lire les livres de tous les invités.
— Merci pour votre franchise.
— Je compte sur vous pour le présenter vous-même, n’est-ce pas ?
À cette seconde mon éditeur est la seule personne à savoir ce que contient mon livre. Je le dévisage. Je suis saisi d’un doute. Après tout, peut-être que lui non plus ne l’a pas lu. Alors qui sait ici ce que contient mon livre ? Mes lecteurs. Ceux qui se sont donné la peine de l’acheter dès sa sortie et qui l’ont lu d’une traite le soir même.
Quelques minutes plus tard, une fille m’a installé un micro-cravate, et les lumières témoins des caméras s’allument les unes après les autres. Les cinq autres écrivains invités s’assoient à côté de moi sans me regarder ni me dire bonjour : un type en costume rayé aux allures de vieux play-boy, un autre plus âgé avec un monocle et une moustache blanche, une jeune fille aux vêtements très suggestifs, un jeune homme blond avec une mèche qui lui cache les yeux et un gros bonhomme qui respire bruyamment.
— Bienvenue à notre émission « Bris de verve et morceaux de vies triés ». Nous avons aujourd’hui des invités prestigieux. Mais commençons tout de suite par…
Pourvu que je passe en dernier.
— Gabriel Askolein, l’auteur tant apprécié des jeunes, connu dans le monde entier, étudié dans les écoles. Alors, monsieur Askolein, vous venez nous présenter votre dernier livre : Comme une porcelaine dans un magasin d’éléphants. Un titre un peu long, non ?
— En effet.
— Et vous pouvez nous en rappeler le thème principal ?
— C’est l’histoire d’une personne qui se sent perdue dans un monde où tout lui est étranger et incompréhensible.
L’animateur au brushing parfait hoche la tête et plonge dans une fiche. Je remarque que les pages de mon livre n’ont pas été feuilletées. C’est visible. Si j’éprouvais un dernier doute sur l’intérêt qu’il porte à mon travail, il s’est évaporé.
Profitant que la caméra n’est pas sur lui mais sur moi il lit tranquillement la fiche préparée par quelqu’un qui a lu le livre à sa place.
Si seulement je pouvais moi aussi me pencher sur cette fiche !
— Ah ! passionnant ! et donc votre héros est un personnage haut en couleur.
Je marque un silence, ce qui à la télévision est interdit.
Puis, profitant du trouble laissé par ce blanc, j’attaque :
— Je vais vous surprendre mais ce livre je l’ai écrit il y a deux ans et il ne sort que maintenant pour des questions de planning d’éditeur. Pour moi c’est déjà un livre ancien. Alors, une fois n’est pas coutume, j’ai envie de vous parler de mon prochain livre, celui sur lequel je travaillais encore ce matin et qui du coup est complètement frais dans mon esprit.
L’animateur lève les sourcils. Les autres invités semblent ravis que je me saborde.
— Eh bien, c’est-à-dire que vous êtes invité pour Comme une porcelaine dans un magasin d’éléphants et…
Je vois en effet que sur les écrans apparaît la couverture de mon livre et en incrustation mon visage.
— … et je dérange vos habitudes, mais laissez-moi évoquer mon nouveau sujet et je pense que vous aurez envie de réagir là-dessus.
Instant de flottement.
Dans le public mon éditeur m’adresse des signes désespérés pour m’inciter à abandonner cette déplorable idée.
Je sens une hostilité générale, mais l’animateur se dit que ce genre de diversion est suffisamment rare pour que les autres médias s’en fassent l’écho le lendemain.
Et puis comme il n’a pas lu, il se sent soulagé.
— Très bien, jouons le jeu. De quoi parle votre prochain roman sur lequel vous travailliez encore ce matin, Gabriel Askolein ?
— Il parle de ce qu’il y a au-dessus de nous. Il parle des dieux qui nous gouvernent et qui s’amusent à observer et manipuler les hommes comme les pièces d’un jeu d’échecs géant. J’ai pensé baptiser ce nouveau roman Le Royaume des dieux.
— Et quelle en est l’intrigue ?
— Mon héros est à la recherche de Dieu. Mais au lieu de suivre le chemin habituel qu’offrent les religions, il décide que la meilleure manière de comprendre les desseins du divin est de se placer dans la même situation et de regarder comment lui-même se comporterait à sa place.
— Une sorte d’empathie avec Dieu ?
— Oui. En endossant ses responsabilités et en revivant son travail, mon héros peut comprendre Dieu et donc l’en aimer d’autant mieux.
— L’aimer ?
— Du moins ne plus le craindre. On a peur de ce qu’on ne connaît pas. On ne peut aimer que ce qu’on comprend.
— Et comment comprend-on Dieu ?
— En se mettant à sa place. Et donc en partageant son expérience. On ne connaît vraiment les choses qu’en les expérimentant.
Un invité s’agite et demande la parole.
— Oui, Archibald ?
Tiens, c’est donc lui, Archibald Goustin, le grand académicien. Il est en costume à rayures, chemise noire, foulard de soie verte. Il brandit un fume-cigarette en ivoire dont il aspire avec délectation de petites bouffées en affichant un sourire carnassier.
— Je pense que n’importe qui n’a pas le droit de parler de Dieu n’importe comment. Je crois, monsieur Askolein, que vous n’avez pas effectué d’études de théologie.
— C’est ma fierté.
— Vous n’avez pas fait non plus que je sache d’études de lettres.
— C’est ma seconde fierté.
— Je pense pour ma part que le thème des dieux ne peut être abordé que par des spécialistes qui y ont consacré leur vie, qu’ils soient prêtres ou docteurs en théologie.
— Je me flatte d’être un esprit libre.
— Mais les jeunes qui vous lisent pourraient vous croire ! s’offusque l’académicien.
Rumeur dans la salle. J’ai l’impression de revivre mon procès. Si ce n’est que l’animateur remplace Athéna et les invités les témoins de l’accusation.
— Au contraire, les jeunes qui me liront se forgeront un libre arbitre qui leur permettra de se construire une opinion loin de tous les distributeurs automatiques de vérités. La spiritualité est un cheminement, non un dogme.
— Mais il y a des rituels à respecter…
— … qui ont été inventés par les hommes. Ce n’est qu’une convention entre humains qui a édicté des règles autorisant certaines personnes et elles seules à parler de Dieu. Ces mêmes personnes qui se targuent de savoir parler de la mort et du paradis. C’est leur accorder beaucoup d’honneur que de leur offrir cette prérogative exclusive. Le mot Dieu, le thème de Dieu, tout comme la mort et le thème du paradis, appartiennent à ceux qui s’y intéressent, donc à tout le monde.
Nouvelle rumeur sur le plateau.
Je sens monter l’hostilité de tous les invités. L’animateur a l’air ravi du conflit qu’il attise. Il sent grimper l’Audimat.
— Donc si je vous comprends bien, mon cher Gabriel Askolein, vous proposez aux lecteurs de vivre quelques minutes à travers votre personnage dans la peau et les préoccupations d’un… dieu ?
— Oui, et pour que l’expérience soit encore plus intense je vais proposer en parallèle un jeu vidéo qui permettra de créer et de gérer des peuples sur des mondes virtuels. Ainsi mon lecteur pourra faire en direct l’expérience de la divinité. Et donc la comprendre.
L’animateur, considérant qu’il a tiré tout le jus possible de ma singularité et craignant cette fois d’abaisser le niveau de sérieux de son émission, restitue la parole aux « bons clients ». Archibald Goustin, après avoir émis une dernière moquerie sur mon projet « naïf », parle de son livre. Il pose pour l’occasion son fume-cigarette, et explique qu’il s’agit d’un recueil de souvenirs d’enfance, et notamment sur sa mère, qui était déjà écrivaine et à l’Académie littéraire, et qui lui a donné le goût des livres. Il précise que ce roman est le premier volume d’une série où, après son enfance, il évoquera son adolescence puis son âge adulte, période très tourmentée.
Après la confusion que j’ai générée, son assurance apaise tout le monde. Au point que certaines personnes dans le public applaudissent à la promesse du futur livre de cette autorité.
L’écrivain suivant est la jeune romancière qui a écrit un livre sur ses crises de boulimie. Elle explique comment elle se fait vomir tous les soirs avec deux doigts, penchée sur la cuvette des toilettes. Elle dit que c’est une caractéristique de toutes les filles belles : pour rester minces, elles se font vomir ou avalent des laxatifs.
L’animateur multiplie les compliments et lui demande de parler de sa sexualité. Elle explique ne prendre son plaisir que dans la soumission. Pour elle, tout homme qui l’aime doit être capable de la dominer. La gentillesse lui semble en revanche une forme de paresse.
Elle croise et décroise ses longues jambes gainées de bas résille tandis que l’animateur ne peut plus masquer son trouble.
Il passe rapidement à l’invité suivant, l’homme à moustache blanche et monocle qui vient de publier L’Histoire du peuple des dauphins.
L’ouvrage raconte précisément l’épisode fameux où un bateau, avec à son bord les derniers survivants dauphins, a fui le continent, traversé l’océan, pour créer sur une île lointaine une civilisation nouvelle. L’historien parle d’un ton tranchant et sans appel. Il « sait » exactement comment cela s’est passé.
Il ne parle pas par hypothèse, il affirme.
S’il savait que tout ce qui est arrivé c’est moi qui l’ai provoqué, dirigé, inventé ! J’ai inspiré la fuite à la troupe de rescapés, suggéré la forme du gouvernement.
En fait, c’est moi qui devrais toucher les droits de son livre, ces scènes, c’est en grande partie moi qui les ai conçues.
L’historien continue de citer des moments de l’exil et je m’aperçois qu’en plus il énonce des contre-vérités flagrantes.
Il se trompe sur les noms, les personnes, les événements. Il confond les héros et les lâches, les bourreaux et les victimes. Protégé par ses titres universitaires, il va jusqu’à suggérer que cette fuite était un plan prévu de longue date et qu’un groupe d’éclaireurs dauphiniens avait précédé le gros bateau pour se livrer à des repérages. Ensuite il signale que le regroupement sur l’île de la Tranquillité n’était qu’un instant de transition. Selon lui les dauphiniens voulaient s’éloigner pour mieux préparer leur retour et donc l’invasion de leur propre Terre occupée par les envahisseurs hommes-rats.
Je craque.
— Non, cela ne s’est assurément pas passé comme ça. Sur l’île de la Tranquillité ils n’ont jamais voulu envahir quoi que ce soit, ils voulaient juste être tranquilles, comme son nom l’indique.
— Ils préparaient un complot mondial ! On le sait de manière sûre, annonce le moustachu.
— Quelles sont vos sources ? demandé-je.
— « Nous » le savons ! Tous les témoignages de l’époque le corroborent ! Tous les historiens sont d’accord là-dessus !
Je lâche la petite phrase que j’aime bien avoir en bouche :
— « Ce n’est pas parce que vous êtes nombreux à avoir tort que vous avez raison. »
Il devient tout rouge.
— Mon pauvre monsieur… du haut de vos diplômes vous ne débitez que des âneries. Mes hommes-dauphins n’ont toujours aspiré qu’à la paix et la sérénité. Et s’il n’y avait pas eu le déluge ils n’auraient jamais quitté l’île de la Tranquillité et vous n’auriez jamais entendu parler d’eux. C’est à cause d’Aphrodite qui a fait du zèle que…
Je m’interromps. Tous me dévisagent de manière bizarre. Qu’ai-je dit de si terrible ?
Ah ! La gaffe. « Mes » hommes-dauphins.
— De quel droit osez-vous contester des vérités historiques ? pérore l’homme à la moustache blanche, s’adressant à moi comme si j’étais l’un de ses élèves.
— Du droit des morts à ne pas voir leur mémoire salie par des imbéciles pédants. Du droit des victimes à ne pas voir les crimes de leurs bourreaux légitimés par des pseudo-intellectuels qui ne tiennent leur savoir que de propagandes de tyrans et de rumeurs d’ignorants.
L’autre va exploser. Il se contente de répéter, au bord de l’apoplexie :
— Mais pour qui il se prend celui-là… Pour qui il se prend… pourquoi l’avez-vous invité ?
L’animateur hésite sur la conduite à tenir. Finalement il préfère ignorer mon intervention et, en une pirouette, présenter l’invité suivant : le jeune blond aux mèches rebelles qui vient narrer ses soirées parisiennes dans les clubs échangistes. Le sujet détend aussitôt l’atmosphère. Surtout quand le blondinet raconte qu’il a croisé dans ses aventures nocturnes beaucoup de célébrités et de politiciens. La détente est générale lorsqu’il signale que parmi les célébrités il a même croisé au « Hibou pervers » l’animateur de « Bris de verve et morceaux de vies triés ». Ce dernier, très fair-play, reconnaît qu’il y a été entraîné quelquefois par des amis.
Enfin l’animateur, profitant de la décontraction générale, termine par le dernier invité, le gros homme, qui est en fait un chef cuisinier. Celui-ci parle au moins de ce qu’il connaît et a expérimenté par ses sens : le goût, la vue et l’odorat, thème de son livre. Il présente ses inventions culinaires, ses créations gastronomiques, ses mises en scène de plats. Avec lui je me sens en réelle affinité.
À la sortie, après le démaquillage, Robert, mon éditeur, est bougon.
— Qu’est-ce qu’il vous a pris ? Avec cette histoire de « Royaume des dieux »… Vous risquez de vous mettre à dos tous ceux qui ont des certitudes sur l’au-delà. C’est-à-dire pratiquement tout le monde.
— C’est un risque à prendre. Si ça peut ouvrir l’esprit de quelques personnes…
— Et maintenant que vous avez gagné le grand amour d’Archibald Goustin, il va vous soigner de mille manières. C’est un homme puissant qui a tous les réseaux littéraires à sa botte.
— Mes lecteurs ne lisent pas ses livres. Et les siens ne lisent probablement pas les miens.
— Beaucoup de critiques littéraires sont aussi des écrivains qui rêvent d’entrer à l’Académie. Ils vont vous descendre rien que pour lui faire plaisir.
— Eux non plus, je ne crois pas qu’ils lisent mes livres.
— Pour vous descendre ils n’ont pas besoin de savoir ce que vous écrivez. Ils vous jugeront sur votre prestation télévisée. Ils lanceront des rumeurs, des insinuations. Ce sera suffisant. Et un jour, quand un historien voudra parler de vous, il ne trouvera que leurs calomnies.
— J’ai mes lecteurs. Eux me connaissent, ils savent la vérité.
— Méfiez-vous, Gabriel. Le soutien des lecteurs, aussi nombreux soient-ils, n’est pas suffisant pour bâtir une carrière solide. La réputation est plus importante que le vrai talent.
— Je suis un esprit libre.
— Prenez garde : à force d’être libre on finit par être… seul. Je vous aurai prévenu, lance-t-il en guise de salut.
Je prends congé et déambule dans la nuit, le long des grandes avenues de la capitale, en repensant à l’émission.
Bon sang, ce n’est pas possible. Ce sont les mêmes esprits réactionnaires que devait supporter Jacques Nemrod. La situation littéraire de la France de Terre 1 serait à ce point en phase avec la Coquie de Terre 18 ? Les mêmes tartuffes règnent donc partout, sur tous les mondes ?
Je repense à Delphine.
Merveilleuse.
Je repense aux gens de Papillon Bleu Productions.
Ça y est, j’ai mes premiers souvenirs autochtones de Terre 18. J’ai une vie ici, déconnectée d’Aeden.
C’est un peu comme en vacances, lorsqu’on oublie ses problèmes pour vivre quelque temps avec des problèmes nouveaux.
Je ne les vois plus comme des pièces d’échecs. Ils m’impressionnent, ils m’excitent, ils m’inquiètent. Comme des égaux.
Je fixe les visages. Un policier qui renseigne. Une femme âgée qui rumine des paroles, une jeune fille aux yeux humides. Un groupe d’enfants qui lancent des pétards dans le caniveau. Un couple d’amoureux qui se tient par la main, puis s’arrête pour s’embrasser. Un mendiant à genoux, la main ouverte avec l’inscription : « Aidez-moi. J’ai faim. »
C’est ça les milliards de mortels de Terre 18 que j’observais jadis depuis le ciel.
Certains marquent leur agacement que j’ose les dévisager ainsi.
Sur les affiches je retrouve des publicités pour « Le 5e monde ». Décidément ils ont investi dans la communication. Et puis des publicités pour des cigarettes, des voitures, des parfums, ou des films.
Il se met à pleuvoir.
Des phrases de la journée me reviennent à l’esprit. « Ce n’est pas parce que vous êtes nombreux à avoir tort que vous avez raison. » « À force d’être libre on finit par être seul. » Et puis le titre de mon dernier livre : Comme une porcelaine dans un magasin d’éléphants. Prémonitoire ? Ce serait amusant que mon dernier roman publié raconte l’histoire d’un dieu perdu au milieu de mortels qui lui font de la morale.
La boucle serait bouclée.
Je souris intérieurement.
Je découvre dans ma poche un paquet de cigarettes et j’en allume une. J’aspire la fumée avec le sentiment confus de m’empoisonner et d’y prendre plaisir.
Mes pas m’entraînent dans une rue sombre, bruyante, mal fréquentée. Alors que je ralentis pour essayer de trouver un bar où m’asseoir et boire, je remarque dans le reflet d’une vitrine de marchand de farces et attrapes un homme en imperméable beige et chapeau noir. Il m’observe de loin.
J’emprunte plusieurs ruelles pour en avoir le cœur net. L’homme me suit toujours.
Un lecteur pour un autographe ?
Un fanatique religieux ?
Je m’arrête devant la vitrine d’un magasin de jouets. Il a ainsi la possibilité d’approcher. Mais il ne le fait pas. Il reste à bonne distance.
Pas de doute, ce type en a après moi. Et ce n’est pas un admirateur. Il faut m’en débarrasser.
Je cours. Il court derrière moi.